Clope à la bouche, il comptait rentrer chez lui à pied. Il avait dû se déplacer pour vérifier un détail pour une enquête. Ca ne l’avait pas dérangé, et il y était allé en métro. Plutôt qu’en voiture directement.
Charles savait qu’après ça, il pouvait rentrer chez lui tranquillement.
Il s’était allumé une cigarette, après avoir causé à un collègue, qu’il venait de quitter. D’où l’objet dans sa bouche, qui lui pourrissait les poumons, sans qu’il n’en ait réellement peur.

On vivait dans un drôle de monde, se dit-il. Les humains consommaient des choses censé les “améliorer niveau mental” mais qui en vérité empirait leur vie physique ou mental.
Avec un sourire ironique, il tira une taffe.

Soupirant, passant une main dans ses cheveux, il remit aussi sa veste correctement. Il faisait froid.
Avançant lentement, il vit, pas loin de l’Hart Plaza, un type, qui causait avec un autre. Mais pas d’une bonne façon, ça se voyait à ses gestes.
La nuit commençait à tomber, et Charles savait que Detroit était trop souvent en proie à des crimes ces derniers temps.
Il était débordé. Ca se voyait comme ça.

Observant sans rien faire, il fini par grommeler. Son sens de la justice était bien trop large pour qu’il se permette de laisser ce gamin se faire emmerder par un abruti.
Peu importe ce qu’il se passait.
Charles s’approcha, et s’arrêta peu avant d’être trop proche d’eux. L’autre type, celui qui avait rien demandé. Il avait une LED a la tête.
Le policier se demanda si son aide était vraiment si utile.
Peut-être un peu. Au moins pour le fait qu’il avait encore son badge sur lui.

- Eh ducon, commença donc à dire Charles, en s’adressant au crétin dont tout le langage corporel signifiait “j’aime embêter mon monde”.

L’autre se tourna, et Charles eut un sourire

- Cool, tu te reconnais. Laisse le gamin tranquille. Sinon j’pourrais bien t’coffrer.

Avec un plus large sourire, qui n’exprimait pourtant aucune joie, il dévoila son badge, tirant en même temps sur sa cigarette pour souffler doucement.
Il y eut un instant d’arrêter. Le badge faisait toujours cet effet. Restait à savoir si cet idiot allait déguerpir.

Quelque part, Charles aimait l’autorité qu’il possédait de son statut de flic. Bien sûr, ça ne l’empêchait pas de traîner avec quelques petites racailles. Après tout, il y en avait certains qu’il valait mieux se faire comme ami que comme ennemi…
Et puis, il ne fallait pas oublier qu’il avait son propre prêteur sur gage à qui il faisait quelques paris pas tellement légaux.

Charles, donc, avait montré son badge.
Et l’autorité suprême de celui-ci avait vite agi. Le type qui embêtait l’androïde se dépêcha de déguerpir. En même temps, vu ce que Charles pu observer chez lui, il n’était pas tout à fait sobre.

Enfin, le policier observa le robot resté devant lui, qui le remerciait. La LED à sa tempe semblait rester rouge. C’était mauvais signe, ça, non ? A force que les déviants traînent un peu partout dans les rues, Charles avait compris quelques trucs sur eux. Comme le fait qu’ils étaient sous stress quand c’était rouge comme ça.

- Ouais, hm… Y t’as rien cassé ?

Tandis qu’il fumait un peu, approchant de la fin de sa clope, il voulait s’assurer que tout était bon, avant de repartir.
Mais cet androïde… Il avait une tête de chiot perdu. Et sans le vouloir, Charles repensait toujours à cet androïde domestique qu’il possédait à une époque.
Il s’était toujours senti mal à l’aise à côté d’eux.
Il ne les détestait pas, juste…C’était bizarre.

- Tu connais son nom ? Tu veux porter plainte ? Je peux arranger ça, si tu veux.

Clairement, ça sonnait comme “je peux faire quelque chose pour toi”. En disant tout cela, Charles sortit lentement son cendrier de poche. Il était peut-être con à fumer, mais il l’était pas assez pour jeter ses clopes partout où il allait.

Un instant, Charles se demanda si l’androïde face à lui était bien un déviant. A part le fait que LED rouge = stress, il n’avait pas tellement d’autres preuves de ça. Enfin… Les prochaines réponses du robot suffirait à comprendre probablement.

Le chiot perdu…Enfin, l’androïde qui venait de subir une agression gratuite, vint à préciser qu’il allait bien.
Bizarrement, Charles en fut rassuré. Mais en vérité, il se rappelait toujours de cet androïde qu’il avait eut, et que Chandler avait trop souvent tendance à maltraiter.
C’était juste une question de culpabilité et de rédemption.

Presque, Charles fut déçu que l’autre ne veuille pas porter plainte. D’accord, on ne connaissais aucune information sur le drogué d’à l’instant, mais tout de même. Ca aurait pu…Peut être faire que le vieux se sente utile.
Ou quelque chose du genre.

- Mouais, marmonna-t-il alors tandis qu’il croisait les bras.

Sa cigarette finie, cette affaire terminée, il pouvait repartir.
D’ailleurs, l’autre lui en informa.
En citant son grade. Charles fronça les sourcils. Il connaissait suffisamment son badge pour savoir que celui-ci n’affichait rien.
Après, les androïdes savaient des choses que les humains ne pouvaient pas savoir non ? Ou un truc du genre.

Mais alors que Charles allait répliquer, voilà que l’autre semblait se sentir mal. Bien sûr, le policier n’aurait pas su dire pourquoi. De quoi il souffrait; Mais quelque chose était étrange.
Et étais-ce parce qu’il ne pouvait pas s’empêcher d’être quelqu’un de bien, malgré sa méfiance continuelle, qu’il posa un peu sa main sur l’épaule de l’androïde ?
Il n’en savait rien, et quand il prit conscience de son geste, il retira rapidement sa main.

- Hm… T’as pas l’air si bien. P’têtre qu’on pourrait…Euh… J’sais pas. Se poser. Tu viens de te faire agresser.

Trop sociable. Malgré lui. Il aurait dû le laisser partir.
Après tout…Et si c’était un stratagème pour que l’androïde le mette sous son joug ? Trop souvent, Charles avait l’impression qu’on voulait abuser de lui. Même là, même juste cet androïde.
Pourtant, il voulait voir pour l’aider.

- Y a un banc pas loin. Ca sera mieux. Pis t’as pas froid, toi non ?

Il fallait l’avouer, le lieutenant commençait à trouver le temps frisquet, et en même temps, vu qu’il rentrait à pied…

- Ou alors, je te ramènes chez toi. Enfin, si t’y allais… Je suis à pieds, donc je suis tranquille.

Charles voyait pertinemment que ce type mentait. Après, hein, il était tout à fait en son droit de mentir. Et en vérité, le policier pouvait tout à fait, le laisser en paix. Mais c’était comme toujours. Même en voulant avoir cette carapace de gars méfiant et pas content, Charles avait toujours eut ce petit défaut.
Être attentionné.
Après il se rassurait intérieurement : de toute façon, il n’allait pas s’en occuper longtemps, juste le temps de s’assurer que ce type était en sécurité, ou un truc du genre. Fin de l’histoire.

Même si les choses glissaient un peu de son contrôle.
Bientôt, voilà que Charles se retrouva avec un manteau sur lui. Il perçu le matricule, le modèle. Ca lui disait un truc. Des vieilles histoires. Pas si vieilles, en fait, mais il s’était passé tellement de choses en 7 ans.
Mais à être à Détroit depuis deux ans, Charles se remémorer l’histoire de cette unité qui avait “lutter contre les déviants”. Et la rumeur de ce modèle.

Et c’est aussi là, qu’il remarque l’état de l’androïde. Au delà de sa “pâleur”, au delà de son trouble apparent, que Charles avais su cerner, parce qu’il guettait bien trop souvent la moindre réaction des gens.
Ce type, il vivait dans la rue, ou c’était comment ?
La question semblait difficile à poser.
Surtout venant d’un type qui refusait d’accueillir chez lui la moindre personne, et qui préférait ne plus s’attacher réellement (même s’il le faisait contre son gré).

Charles eut un petit rire presque gêné quand l’autre proposa de le ramener. C’était amusant de constater que les choses tournaient comme un ping pong “Je t’aides” “Tu m’aides”.
Mais le policier avait une intuition sur les raisons de faire ça de l’autre.
Après tout, cet androïde à tête de chiot, avait-il un endroit où rentrer ?

L’image d’un chiot dans un carton “à donner” lui vint en tête. Charles la chassa à coup de secouage de tête très léger. Ca n’avait rien à faire là, ça.

- Ouais j’imagine.

Il regardais la veste en cuir qui flottait sur son manteau, et qui était à peine trop petite pour lui.
Ouais, cet androïde n’avait pas froid mais…Ca restait perturbant.
Avançant en direction de chez lui, il tournait la tête vers le robot.

- Tu fais quoi dans la vie ?

Peut-être une habitude de flic, peut-être qu’interroger les gens c’était son truc. Mais c’était aussi un sous entendu, une façon implicite de trouver les preuves de son hypothèse sur ce type.
Charles avait beau être devenu un vieux con, parfois, il n’était pas non plus trop rentre dedans. Fallait croire que sa carapace n’était que ça : un bouclier mais qui ne faisait que cacher un type bien.

Il se sortit une nouvelle cigarette.
Pas que l’androïde allait fumer avec lui. Mais ça lui donnait envie, de se réchauffer comme ça.

- Et c’est quoi ton nom ? Qu’j’discute pas avec un type inconnu, c’pas recommandé à ce qui paraît.

Il faisait de l’humour. Un peu. Du sarcasme. Beaucoup. Du reste, il se présenterait. Il s’en foutait qu’on sache qui il est. En fait non, même, ça l’arrangeait.
Quelque part au fond de lui, il avait besoin que les gens le connaissent.

Pas que Charles y connaissait grand chose en terme de robot. Mais celui là avait l’air bizarrement troublé. Peut-être que sa vie était pas toute rose. Peut-être qu’il avait des ennuis dans sa vie.
Mais clairement, il avait pas l’air en forme.
L’autre lui expliqua qu’il ne faisait pas grand chose de sa vie.

Hm. Ca expliquait probablement sa tenue, son air paumé, et tout le reste. Plus encore quand Charles lui expliqua avoir été activé il y a peu.
Eh bien.
Il l’observa en silence, et se contenta d’un hochement de tête. Charles n’allait pas lui poser de questions, pour le moment.

Fumant tranquillement, il l’écouta se présenter.
C’était quand même pas tous les jours qu’on devinait son grade, et qu’on l’appelait comme ça en boucle.
Il le fixa un peu. Clyde hein ? Au moins, il avait un nom.

- Charles. J’pensais que tu le savais, vu que t’as deviné que j’étais lieutenant.

Il lui fit un sourire en coin.
Ca va, il ne se sentait pas vexé que l’autre est deviné.
Les androïdes avaient ces particularités étranges de deviner des choses, après tout.

- Si tu fais rien, ou pas grand chose, tu dois t’ennuyer dans tes journées nan ?

Il lui causait probablement comme à un humain. Parce qu’à y réfléchir, est ce qu’un androïde pouvait s’ennuyer ?
Probablement que non.
Avançant vers chez lui il avait besoin de savoir autre chose.

- Tu vas vraiment rentrer, ou t’as nul part où aller ?

Son regard disait “tu peux pas me la faire à moi”
Du reste, il voyait au loin le batiment de son appartement. Il n’était vraiment pas loin, au final.

Charles plissa les yeux quand l’autre lui causa de ses fonctions. C’était d’ores et déjà une vague impression, dans le fond, que ce “gamin” semblait paumé, et surtout, à la rue dans presque tous les sens du terme. Mais là… Il ne savait même pas quel était ses fonctions ? Est-ce que la déviance l’avait atteint au point de brouiller ses programmes, ou un truc du genre ? Charles avait déjà vu des déviants devenir dingue parce qu’ils étaient déviants, alors pourquoi pas ça.
Mais le fait que ce Clyde sache beaucoup de chose sur beaucoup de monde lui rappelait vaguement quelque chose. Seulement, il n’était pas sûr de pouvoir en parler. Il ignorait si au fond c’était le cas de tout le monde, ou si pas tout le monde possédait cette étrange capacité. A savoir, celle que le lieutenant avait vu chez des androïdes policiers.

Il n’insista pas, n’en parla pas. Charles avait beau avoir hérité d’un sale caractère de type méfiant qui d’ailleurs trouvait ce type bizarre vraiment… Il était pas un gros con qui mettait trop les gens mal à l’aise.
En tout cas, il n’était pas sûr de ça.

Clyde parla de l’ennui, ne semblant pas s’ennuyer, mais ne faisant rien de ses journées.
Charles l’observait quand même, comme si ce type était bizarre. Non, pas comme si. Ce type était bizarre.
Bon d’abord, premièrement, c’était un androïde. Et les androïdes fonctionnaient toujours différemment des humains.
Il se rappelait du sien, qui, quand il n’avait rien à faire, ne bougeait plus. Charles avait toujours trouvé ça creepy.

Malgré le fait que Charles ne rentrait pas dans tous les détails, il demandait quand même pour l’endroit où vivait Clyde. Parce que le lieutenant était loin d’être con. Et qu’un androïde qui fait rien de ses journées sinon rester immobile, c’était…Louche.

- …Donc si j’résume, tu fais rien de tes journées, et tu as pas d’endroit ou vivre.

Detroit n’était pas la ville la plus sûre du monde.
Surtout en ce moment.
Alors ce gamin pensait vraiment que c’était une bonne idée que de trainer comme ça ? Charles fronça les sourcils.
Il était censé n’en avoir rien à faire. Il était censé, ne plus s’attacher réellement, pour éviter de tomber sur un Chandler bis.
Mais preuve en est qu’il restait proche des gens, et qu’il pouvait pas s’en empêcher. Il était trop sociable.
Quelle ironie.

Alors, voir ce Clyde perdu, avec sa tête de chiot, son air perdu… Il se passa une main sur le visage. Peut-être qu’il allait regretter ce qu’il allait faire.
Peut-être qu’il voulait se rattraper parce qu’il ignorait ce qu’était devenu l’androïde qu’il avait eut durant deux années.

- Ecoute, t’as qu’à venir chez moi ce soir. J’peux pas te laisser tout seul dans les rues. Pis t’as vraiment une tête de gars perdu….

Charles passa une main qui alla caresser son bras opposé, démontrant comme une gêne certaine, qu’il ne voulait pas admettre, ou montrer, parce qu’il… Ne voulait pas que l’autre s’en sente gêné non plus.

- Bref. On est bientôt chez moi. Rentre au moins te réchau…Enfin, je sais pas, profiter du canapé, un truc du genre. J’suis flic. Des réponses, j’peux p’têtre t’en donner.

Cherchait-il des raisons de le faire rester chez lui ? Peut-être.
Charles s’en sentait con.
Il n’avait pas à faire ça.
S’il commençait à héberger chez lui tous les androides paumés de Detroit, il n’avait pas fini.
Mais c’était juste une nuit.
Une seule nuit, pour aider peut-être Clyde un peu. Juste un peu. Et après…Après c’est tout.

Il n’était pas un refuge, nom d’un chien.
Un refuge… Ca lui rappela ce refuge a qui il donnait parfois des infos sur quelques trucs des déviants.
Il pourrait en parler à Clyde.