Quelle emmerde cette enquête. Enfin, même si Charles adorait toujours enquêter, malgré tout ce qui lui était arrivé, il n’empêchait que ça restait parfois… Naze.
Surtout là. Un imbécile avait tabassé un autre type, dans l’Eden Club. Bien sûr, il fallait que ce fut l’Eden Club.
Charles n’aimait pas cet endroit. Il y avait trop de…Coups bas. De gens douteux. Mais il fallait bien que Charles enquête, et sache ce qu’il s’est passé.
Si quelqu’un voulait bien parler.
Heureusement ça c’était passé devant l’établissement. Malheureusement, dans un angle mort de la caméra.
Donc, le policier se devait d’aller interroger une androïde avec qui la victime traînait à ce moment-là.

Il trouvait ce concept abject. Louer des gens pour des plaisirs….Et la police autorisait ça bien sûr. Même si l’endroit était un minimum surveillé, du fait qu’il y avait des doutes sur ses activités.
Charles souffla, alla boire un café avec les collègues, avant d’apprendre que son témoin était arrivé.
Elle s’appelait “Sixtine”, de ce qu’on lui avait dit. Allant accueillir la demoiselle, indifférent à si elle fut une androïde simple ou déviante, Charles espérait juste qu’elle serait assez efficace pour avoir des informations.
Mais les êtres artificiels  qui pullulaient le monde, étaient connus pour savoir enregistrer de façon bien plus efficace qu’un humain.

S’avançant vers elle, il s’efforça de lui faire un sourire. Charles pouvait avoir mauvais caractère, mais il ne l’était pas avec un témoin. Sauf si celui-ci s'avérait être un imbécile qui tapait dans sa patience.

- Hm…Sixtine ? Suivez-moi, s’il vous plaît.

Il la vouvoyait comme si elle était n’importe qui d’autre.
Pour lui c’était le cas.

Une fois dans la salle, il l’observa, manquant de lui proposer un café avant de se rappeler.

- Merci d’être venu. J’aurais juste besoin de votre témoignage, d’une déposition, et ça sera bon. Ca vous va ?

Ça avait été si vite. Tellement vite. Et elle était restée figée comme une biche effarée. Deux types s’étaient battus, sous ses yeux. L’un d’eux était son client, elle était en train de le charmer, les yeux dans les yeux, l’eye contact avait été établi, elle avait commencé à lui caresser le bras, lui promettre une nuit d’amour et de plaisir, elle avait entrouvrit les lèvres mais quand elle se pencha pour l’embrasser… soudainement le type avait disparu, et les coups pleuvaient la seconde d’après. Sixtine s’était figée, ayant la peur panique de prendre un coup si elle faisait le moindre mouvement, heureusement, une autre hôtesse l’avait tiré en arrière lui évitant des dommages collatéraux très probablement tant les mecs avaient été rapidement dans la violence, l’un d’eux éclatant une bouteille sur le crâne de l’autre.

Et depuis, elle n’avait pas bougé, comme si elle était déconnectée. L’autre hôtesse l’avait agitée, demandé si elle avait besoin de se rafraichir, en vain. Il lui avait fallu un temps considérable pour se mouvoir à nouveau, et les menaces du patron de l’envoyer à la décharge si elle continuait ses conneries. Elle en avait peur, de la décharge, comme n’importe quel androïde. Elle avait gardé des gestes raides, pour ne pas dire que tout son être était raide alors qu’elle observait tous les autres s’affairer pour effacer les traces de l’incident dès que celui-ci fut clos, enfin, arrêté par les vigiles. Mais ceci ne suffit à empêcher la police de s’y mêler. Ses visites étaient fréquentes en réalité, Sixtine ne s’en étonna pas, ce qui l’étonnait en revanche c’est qu’ils ne venaient jamais quand l’un des hôtes se faisaient agresser.

Cette fois-ci on lui demande se rendre à la police, elle en fut surprise et un peu inquiète de sortir, mais le patron lui assura qu’elle n’avait pas à s’en faire et la mit dans un taxi après lui avoir donné les coordonnées du poste, enfin, c’est le chauffeur de taxi qui les reçu. Il lui demanda d’appeler un taxi pour le retour, qu’elle n’aurait à s’occuper de rien, qu’elle n’avait qu’à répondre aux questions, uniquement celles concernant l’agression de ce soir, rien d’autre. Sixtine hocha la tête, les ordres précis elle les suivait sans problème autrefois, comme elle cherchait toujours à plaire, mais aujourd’hui elle écoutait les consignes d’un air second.

En arrivant au commissariat, elle apperçu un homme de grande stature, blond, barbe de quelques jours, qui demanda si c’était elle, elle hocha la tête et il lui demanda de la suivre. « D’accord monsieur, je vous suis. » répéta-t-elle de manière mécanique. Elle crocheta du regard la silhouette du policier et le suivit jusqu’à une salle froide. Elle s’installa sur la chaise qui lui sembla être la sienne ajustant celle-ci en perpendiculaire de la table, ça lui parut mieux ainsi. Elle releva la tête et le regarda, écoutant ce qu’il avait à lui dire, se rappelant des consignes données. « Oui, je suis là pour répondre à vos questions, monsieur. » expliqua-t-elle en souriant, d’un sourire tout aussi mécanique que ses réponses. Elle ignorait comment se tenir, ce n’était pas son domaine d’expertise ni même un endroit qu’elle connaissait à dire vrai. Elle le regardait fixement attendant la suite ayant pas conscience d’avoir l’air un peu bizarre.

Plus il la jaugeait, plus Charles sentait qu’elle ne serait qu’une androïde…. Normale. Enfin. Non pas normale. Les androïdes sans conscience n’étaient plus la normalité. Et quelque part, le lieutenant en était bien content. Il avait toujours trouvé ça glauque. De demander à quelqu’un qui semblait humain “obéis moi et ferme ta bouche”.
Il la regarda un peu, presque silencieux, avant de s’asseoir à son tour.

- Je suis le lieutenant Charles Mottershead. Vous pouvez juste…M’appeler lieutenant. Ca ira très bien.

Il ne savait pas s’il devait la rassurer. S’il devait lui dire que tout allait bien se passer. Soudain, il se sentait maladroit, et incapable de savoir comment se comporter. Ce n’était pourtant pas son premier androïde a interroger. Mais…Ca restait toujours aussi bizarre.
Peut-être un peu malaisant.

- Ok, hm… Vous savez pourquoi vous êtes là ? …Vous savez sûrement. Je me suis dit qu’on serait mieux là que… …Là bas.

Vu la moue qu’il esquissa un bref instant, il semblait évident que Charles ne portait pas ce lieu de débauche dans son coeur.
Plus encore, maintenant qu’il s’apercevait que cette jeune femme était…Probablement encore sans conscience. Et pourtant, utilisée par l’Eden Club.

- Hm… Donc. Vous avez assisté à l'altercation qui s’est joué entre…Monsieur Vorburger qui était….votre client, et Monsieur Hane. Qu’est ce que vous pouvez me dire sur ce que vous avez vu ?

Il prit une position décontractée. Pour lui montrer qu’elle n’avait rien à craindre. Il s’efforçait aussi d’avoir un micro sourire maladroit sur le visage.
Pas son truc, de sourire comme ça.

Sans qu’elle sache pourquoi, son cerveau analysait la personne lui faisant face. D’ordinaire, sa programmation la poussait à analyser ses clients afin d’anticiper leurs désirs mais depuis l’incident elle avait commencé à détailler les clients afin de détecter des signes avant coureur d’agressivité, d’ivresse, et tout ce qu’elle avait pu repérer chez les clients l’ayant agressé. Le policier lui faisant face n’affichait aucun de tous ces signes, il était calme, visiblement sobre, et s’exprimait normalement si ce n’est qu’il paraissait hésitant. Mais elle savait qu’il y avait peu de chance que cela soit de la timidité. Plus probablement était-ce la gêne que certains humains éprouvaient face à sa nature d’androïde.

« D’accord, Inspecteur. » acquiesça-t-elle en hochant doucement la tête à la présentation qu’il venait de lui faire. Elle nota cependant le prénom et le nom, sachant qu’à son retour, des questions lui seraient certainement posés. Ses propriétaires étaient du genre obséquieux sur toutes ses sorties, ils aimaient savoir ce qu’elle faisait, avec qui, combien de temps. Si au sein du club c’était sous couvert d’estimation pour la rémunération, en dehors, c’était de la surveillance. Même elle, poupée de mécanique sortie de l’usine y’a 9ans à peine, avait finit par le comprendre. Elle ne comprenait pas toujours tout, c’est vrai, mais elle avait compris qu’elle avait une certaine valeur malgré tout. Malgré tout ceux qui répétait qu’elle n’était qu’une jolie poupée et la traitait comme un simple objet.

« Oui Inspecteur, on m’a dit que vous souhaitez me parler de l’altercation ayant eu lieu cette semaine. » répondit-elle. En vérité, on lui avait dit plus que cela, les consignes avaient été très claires sur ce qu’elle pouvait révéler et ce qu’elle ne pouvait pas dire. En bonne androïde, elle était obéissante, n’ayant même pas l’idée de désobéir. L’incident la poussait juste à plus de méfiance, à regarder les humains différemment désormais, mais elle ne se défiait pas encore d’eux. La légende des déviants lui était parvenu, elle savait que ce n’était pas un destin enviable, du moins, c’est ce qu’on lui avait dit, suscitant chez elle la peur d’être perçue comme tel.

« Monsieur Vorburger… j’ignorais son nom. » murmura-t-elle en demeurant un bref instant pensive, puis ses yeux chocolaté se posèrent sur ceux de l’inspecteur. « Nous étions en pleine discussion lorsque cet homme s’est jeté sur lui. Ma concentration était sur mon client, je n’ai pas vu si cet homme venait d’entrer ou s’il était passé au bar avant, mais il a attrapé violemment monsieur Vorburger. Ce dernier a parut surpris, mais étant donné qu’il ne l’a pas vu venir, c’est parfaitement logique. » Sixtine débitait ses réflexions d’une voix froide et mécanique, comme si elle faisait un rapport de la soirée sans mettre la moindre émotion dedans alors pourtant même qu’elle avait été choquée, chose inhabituelle qui ne serait arrivé avant l’incident. « J’ai dû reculer pour éviter de recevoir des coups, je suis programmée pour me protéger en cas d’agression. » expliqua-t-elle, même si cette programmation se limitait à appeler à l’aide, supplier, lever les bras ou reculer. Ce n’était pas exactement de la défense. « Mais j’ai vu qu’une bouteille avait été brisée, du sang coulait en abondance, ce qui m’a-t-on dit est normal car les mains et la tête sont deux zones fortement veinées chez les humains. » ajouta-t-elle. « Ensuite, la sécurité est intervenue et les a séparé. Naturellement, ils ont été éjecté du club, la violence y est proscrite, inspecteur. » Ce qui était plus ou moins les faits, mais elle n’entrait pas sur les détails suivant la ligne qu’on lui avait donnée.

Tandis que Charles s’installait dans la salle d’interrogatoire, et laissait l’androïde faire de même, il essayait aussi d’avoir l’air détendu. Encore une fois, il ne voulait pas qu’elle se pense suspecte, étant donné qu’elle était là en terme de témoin. Mais il n’avait pas trouvé mieux pour l’interroger. Il se voyait mal lui offrir un café à la salle de détente.
Bien que Charles ait entendu dire que les androïdes pouvaient boire du thirium avec un goût spécial.

Il hocha la tête quand Sixtine précisa qu’elle savait pourquoi elle était là. Bien, c’était déjà ça.
Elle l’informa ne pas connaître le nom de son propre client. Charles ne pu s’empêcher d’esquisser, durant un bref instant, une sorte petite moue contrariée. Pas contre elle, mais contre les principes de l’Eden Club.
Peu importe. Il allait faire avec, maintenant la femme connaissait le nom de son client.

Il nota tout ce qu’elle lui disait, attentif, et sachant pertinemment que tout serait repris pour la déposition.
Charles se sentait un peu au désarroi d’entendre quelqu’un parler de tout ça de façon si froide. A chaque fois, quand un androïde qui ne semblait pas avoir “d’émotions” témoignait, ça lui faisait toujours cet effet. Une sorte de frisson dans le dos. Une peur irrationnelle, de son cerveau qui trouvait cette façon de parler trop étrange pour être réelle.

Charles écouta, l’air intéressé quand même, parce qu’il devait mettre de côté son côté subjectif et son avis sur les androïdes.
Il notait, et ne pu s’empêcher d’avoir un micro sourire sur la remarque sur le sang en abondance.
“Ce qui m’a-t-on dit” ? Pour une androïde, on s’attendrait, qu’elle sache ça.

- Bien sûr, bien sûr… fit machinalement Charles quand Sixtine termina de préciser que le club rejettait la violence.

Il leva la tête vers elle.

- …Ok, bon, j’ai tout noté. …J’ai une question…Hm… Bizarre mais… Vous êtes déviante ? Parce que si c’est le cas, on propose un service de suivi psychologique si jamais…

Même si la demoiselle semblait purement mécanique et bien loin des déviants expressifs que Charles avait déjà croisé, il se devait de poser la question.

- Après tout…Assister à une agression…Manquer de se prendre un coup même involontaire… Pas le genre de truc que le cerv… - enfin vous voyez -, apprécie.

Tout en disant cela, il préparait le papier de la déposition.

Déviante ? Non, elle ne l’était pas, elle ne voulait pas l’être, elle avait entendu des choses horribles au sujet de ceux qui l’étaient. Il ne lui venait pas à l’esprit, bien sûr, qu’on pouvait exagérer le portrait de certaines choses. Elle n’envisageait pas qu’on puisse lui mentir. Pourquoi lui mentirait-on ? Elle avait bien remarqué comment on traitait déjà ceux qui étaient ‘normaux’. Elle hésita donc quelques secondes, elle aurait bien posé quelques secondes, histoire de savoir, mas elle préféra secouer la tête. Elle ne voulait pas s’attirer d’ennui, encore moins avoir l’air suspecte. « Non, je… je crois pas, monsieur. » Aurait-elle dû être plus affirmative ? Avait-elle l’air déviante en n’étant pas aussi affirmative qu’il l’attendait ? « Pardon, inspecteur. » Elle inspira, nerveuse soudainement. Ils se trouvaient en un commissariat, ce lieu n’était nullement rassurant, les circonstances non plus ne l’étaient. Son patron n’aimait pas l’idée qu’elle soit ici.

Elle essaya de sourire, d’avoir l’air normal. « L’agresseur n’en était pas un… déviant. C’était un humain. » affirma-t-elle en penchant la tête sur le côté. Pourquoi qualifiait-on les déviants de dangers quand c’était les humains qui faisaient des choses aussi horribles ? C’était eux les monstres. Elle garda cette pensée pour elle, les androïdes n’avaient pas de telles pensées, n’est-ce pas ? « Il n’avait pas de diode sur la tempe. De toute façon, nous n’avons qu’une clientèle humaine au club. » Ce serait étrange l’inverse. Cela aussi était une démonstration que les humains étaient ignobles ou du moins, pouvaient l’être. Si elle commençait à tous les voir comme des monstres, là elle serait vraiment une déviante. « Vous l’avez arrêté ? » Demanda-t-elle. Elle faisait preuve de curiosité, une bonne manière de noyer le poisson également. Si l’inspecteur songeait à son enquête, il se poserait peut-être moins de question à son sujet.

Elle ne voulait pas qu’il s’interroge à son sujet. Elle ne voulait surtout pas que qui que ce soit la perçoive comme déviante. L’était-elle cependant ? Elle l’ignorait, elle ne voulait pas s’interroger, pas plus que les autres ne le fasse. L’ignorance était une bonne chose en ce qui la concernait. Et elle se battrait pour la conserver, elle ne voulait pas être détruite, malgré tout ce qu’elle avait vécu, elle comptait encore survivre. Son instinct de survie était fort.

Peut-être que Sixtine était chanceuse. Si Charles croisait régulièrement des déviants, il n’aurait pas su faire tout à fait la différence entre les deux. Là, elle semblait mécanique. Alors ce n’était pas une brève hésitation qui allait changer ça.
Ou tout du moins, pas la première. Peut-être la deuxième.
Parce qu’un androïde non déviant qui hésite, c’est impossible.

Il haussa les épaules, quand elle s’excusa. Peu importe.
Elle n’aurait donc pas besoin de suivi psychologie, à supposer.
Il fronça les sourcils quand elle lui causa de l’agresseur, et il hocha la tête.

- Ouais, je sais que c’est un humain, il avait une tronche d’humain. Je demandais juste si vous étiez une déviante, dans le cas où je pourrais vous proposer des trucs pour vous…Remettre de cette agression.

Quand elle lui demanda pour l’arrestation, il ne voyait aucune raison de le nier, ou de le cacher. Après tout, si elle n’était pas déviante, elle n’en ferait rien.
Charles hochait la tête

- On l’a arrêté ouais. Il vous causera plus souci.

Charles passa une main sur sa nuque. C’était un signe de gêne, mais c’est parce que Vorburger était le client de cette androïde.
Et Vorburger savait qu’elle n’était pas déviante.
Et il pourrait toujours être son client.
Et quelque part, Charles n’aimait pas ça. Parce que…Sans conscience, sans volonté…C’était vraiment du consentement ?

- Hm…Vous reverrez sûrement Vorburger même si à mon avis… Il en vaut pas trop la peine.

Charles se rappelait de la victime qui hurlait et jouait comme si tout lui était dû. Un type pas agréable à croiser en somme, et presque, Charles comprenait pourquoi l’agresseur avait agi.
Presque.

- Ok… Bref, la déposition. Euhm… Je viens de penser à un truc.

Si Sixtine n’était pas déviante, son témoignage restait valide, à un détail près.

- Je crois qu’il faut que je fasse signer ça aussi à… Un humain qui est au-dessus de vous. Ou un déviant. Peu importe. Je vais vous ramener.

Ça se voyait, qu’il en avait aucune envie, et qu’il faisait la tête. L’Eden Club n’était pas du tout son endroit préféré. Et en même temps il n’avait pas vraiment le choix. Il marmonna un peu, mais se tourna vers Sixtine, pour lui tendre la tablette à signer.

Son visage demeura figé quelques instants, comme si ça moulinait dans sa caboche. Déjà le choc de ce qu’elle avait vécu hier, lui rappelant l’agression autrement plus violente subie quelques semaines auparavant, mais surtout les instructions qu’on lui avait donné de ne pas tout révéler la faisait pas mal buger mais de surcroit, il doutait soudainement qu’elle soit déviante et insistait encore là dessus. Soudainement, sa tête pencha sur le côté, ses yeux roulèrent dans ses orbites, dans une attitude étrange mais très mécanique. « Ce n’était pas une agression, je veux dire, je n’en ai pas été la victime. C’est mon client qui a été agressé. Et lui aussi était humain. Il n’y a aucun risque par conséquent de déviation. Ceci dit… peut-être qu’il a besoin d’une aide, lui. » Si elle avait été humaine, de l’émotion aurait rejaillit de ses paroles mais humaine elle ne l’était point, et ses paroles furent prononcée d’une voix monocorde. Le débit était très mécanique jusqu’à son expression finale, ces yeux restant figé comme attendant l’assentiment du policier.

Qui la rassura, l’agresseur avait été arrêté. Elle hocha la tête. « Merci, cela va rassurer mon patron. » Ce qui était l’exact vérité. Une rapide déduction l’avait amené à penser que le client risquait de ne pas revenir s’il craignait d’être à nouveau agresser alors, une telle nouvelle ne pourrait qu’être bien accueilli par son patron. Mais elle ? Elle s’en fichait. Ce n’était qu’un client, et depuis son agression, elle avait cessé de voir les clients comme quelque chose de positif. Elle était désormais méfiante et sur ses gardes, y compris avec son patron et ce policier. Les humains qu’elle pensait si bons étaient capables d’horribles choses et à présent, elle voyait combien ils aimaient la violence, combien il était facile pour eux de s’y abandonner. Mais ce policier ne lui paraissait pas violent, ni dangereux, en fait, il paraissait aussi gêné qu’elle l’était, pour des raisons sans doute très différentes. Elle lui adressa alors un sourire doux pour le rassurer, geste qu’elle avait fait tant de fois avec des clients timides.

Quand il marqua l’hésitation, elle accentua son sourire, tentant de le rassurer jusqu’à ce qu’il lui dise qu’il devait faire signer le papier par quelqu’un au dessus d’elle ou un déviant. Ce dernier mot la troubla. Un déviant ? Pourquoi donc un déviant serait-il utile. Elle pencha la tête, à nouveau, troublée. Ses neurones de métal s’agitaient frénétiquement cherchant à comprendre. « Pourquoi un déviant signerait-il ? C’est mon patron qui se charge de tout ce qui me concerne, c’est lui qui me possède, n’est-ce pas ? » Elle fut secouée par un spasme mécanique, sa caboche métallique aimait les choses logiques, elle avait du mal lorsque les données se contredisaient, ça produisait des bugs.

Alors que Charles était en train de lui parler, à cette androïde particulière, qui de toute évidence, n’était pas “déviante” selon ses propres propos, il eut un bref mouvement de recul en la voyant avoir un geste si mécanique et étrange.
Il retint une grimace.
On ne grimaçais plus devant les androïdes, depuis qu’ils avaient décidé d’exister pour eux. Autant se le dire.

Observant un peu Sixtine, l’écoutant aussi, celle-ci lui dit que pour elle ça n’avait rien d’une agression.

- …Peut-être qu’il en a besoin, ouais. Bah c’est pas moi qui m’en occupe.

C’était dit avec détachement, et un peu d’un côté bougon, si propre à lui-même.
Il aimait soudain beaucoup moins parler à Sixtine parce que ça le perturbait, toujours, au bout d’un moment, le côté mécanique des androïdes.

Charles écouta la demoiselle réagir quant à la signature du papier, et se passa une main dans sa nuque. Toutes ces histoires était parfois délicates.
Il hocha la tête

- Techniquement oui, vu que hm… Vous lui appartenez mais… Hm… Quelqu’un pour vous représenter passerait aussi, d’où le fait qu’un déviant soit passable aussi. Bref… Hm… De toute façon, je vous ramène. On verra ce qu’il y aura, une fois arrivé.

Il était clairement mal à l’aise.
Il avait possédé un androïde. Une fois dans sa vie. Et durant deux ans, s’était senti honteux de l’avouer, alors que c’était devenu quelque chose de normal, et que c’était avant la révolution des êtres mécaniques.

Mais ils ressemblaient tellement à un humain…
Et posséder un humain, était inconcevable, non ?

- Allez, venez.

Il se dépêcha d’aller lui ouvrir la porte. C’était un réflexe de son éducation masculine. Toujours laisser passer les demoiselles en premier. A moins qu’il soit juste poli. Peut-être que c’était ça.
Mais au fond, il n’avait pas besoin de faire ça, avec un être sans conscience non ?

Maintenant que les androïdes pouvaient éprouver des émotions comme les humains, Charles se montrait d’autant plus…Humain avec eux.
Et il savait, que parfois, il n’était pas le seul à le faire.

Il avait pris la tablette, et sortit, informant juste qu’il ramenait la demoiselle “chez elle”.
…Avait-elle le droit de sortir de l’Eden Club au delà d’une location ?
Il espérait.
C’était glauque, sinon, non ?

Dans tous les cas il se dirigea vers le parking, vers sa voiture de fonction.

Il n’avait aucune idée de quoi dire. Charles avait un peu perdu l’habitude de faire la conversation.

Bien qu’elle notait les signes de nervosité de l’inspecteur, Sixtine ne parvenait à la conclusion que c’était ses gestes mécaniques qui provoquaient ces tics nerveux. En réalité, son esprit passait en revue tout ce qui pourrait les expliquer. Mais elle ne sortait pas assez pour en arriver à une autre conclusion que la nervosité habituelle chez ses clients, plus gênés par le service qu’elle offrait que par ses origines mécaniques. Elle savait fort bien comment faire passer la gêne chez les clients, mais elle n’était nullement payé en cet instant et cela aurait été fort inconvenant. Aussi se dit-elle que ce n’était pas grave, après tout, son patron avait demandé à ce qu’elle tienne un discours spécifique, ne révèle pas certaines choses, et en la matière, elle avait réussi sa mission. Le reste n’avait que peu d’importance. Bien sûr, l’androïde aurait pu être curieuse mais étant donné sa récente peur envers les humains et la violence dont ils pouvaient faire preuve, elle n’avait pas spécialement envie d’être curieuse ici, en ces circonstances, avec un policier.

En ce qui concernait la signature, elle était perturbée par ce qu’il venait de lui dire et répétait sans pour autant l’expliquer, un déviant pourrait signer à sa place. Qu’est-ce que cela pouvait vouloir dire ? Elle fronça les sourcils, eut l’expression de quelqu’un de perdu cherchant à comprendre mais l’humain s’enfonça dans vraiment s’expliquer. Elle hésita. Devait-elle insister ? « Je suis désolé, je comprends pas. Les déviants ne sont-ils pas supposés être une menace ? » Elle finit par poser la question, car après tout, il était policier, sur le sujet, il devait s’y connaitre non ? Et sa question était relativement innocente. Néanmoins, elle se leva quand il lui dit de venir. Elle demeurait la poupée obéissante qu’elle avait toujours été. Si parfois son système chancelait, hésitait, elle s’en tenait malgré tout aux consignes qui restaient malgré tout rassurantes à ses yeux. Obéir aux ordres était après tout dans sa nature, ce pourquoi on l’avait créer. Obéir aux ordres protégeait en théorie de la violence et de la barbarie. Voilà ce qu’on lui avait enseigné, mais c’était justement là où le bas blessait, pourquoi avait-elle subie cette agression alors qu’elle était obéissante ?

« Vous avez une jolie voiture. » fit-elle, commentaire très poli, mais Sixtine avait tout un répertoire de politesse pour éviter le silence. On lui avait aussi appris que les humains n’étaient pas à l’aise avec le silence, et l’inspecteur lui avait parut mal à l’aise tout du long de leur entretien. D’ailleurs, elle devait avouer avoir été surprise du peu de questions qu’il lui avait posé. Elle en était néanmoins rassurée, elle n’avait même pas eu besoin de mentir. « Mon patron sera content que vous me rameniez, cela lui évite le prix d’une course de taxi. » commenta-t-elle, n’ayant pas le sentiment de révéler des vérités dérangeantes. Elle l’observa passer les vitesses, observer les indications données par la voiture. « C’est compliqué ? De conduire, je veux dire. » demanda-t-elle avec l’intonation d’un enfant questionnant un adulte.

Charles était en train de se diriger vers sa voiture. A ses côtés, Sixtine, cette androïde qui…N’était pas censée avoir déviée, mais qui en indiquait quelques signes, ce qu’il trouvait presque étrange.
Il faisait néanmoins avec, et n’était pas là pour juger de ça. Plutôt voulait-il surtout signer les papiers et être débarrassé vite de cette affaire qui touchait à un endroit qu’il ne portrait sincèrement pas dans son coeur.
Là, Sixtine l’interrogea sur les déviants et il fronça les sourcils.

- Hein? Bah non… Ca fait bien depuis 2038 qu’on les laisse exister…

Il était surpris qu’elle ne sache pas ça. Sauf si on lui avait inséré dans la tête des faux propos. Et puis, à son souvenir, le directeur de l’endroit était un androïde non ? …Un foutu androïde, pour le coup. Que Charles avait été surpris de revoir, mais qui avait…Vraiment changé.

- Tu ne sais pas qu’il y a des lois pour eux, maintenant ?

Elle commenta sa voiture, et il hocha la tête, un peu désarçonnée par cette politesse. Sa voiture était…Juste une voiture.
Dans tous les cas, il grimpa dedans.  
Il eut une grimace quand elle causa de son patron.
Clairement, à ses yeux, ce dernier pouvait bien aller se faire…
Il n’en dit rien, et se contenta de marmonner

- C’est bien.

Démarrant la voiture, il se dirigeait lentement vers l’Eden Club en priant que la circulation soit acceptable.

- Difficile, non… Mais j’imagine que pour certains, ouais. Vu que je suis un des rares à avoir encore une voiture qui se conduit.

Detroit avait longtemps été connu comme un marché automobile extraordinaire et moderne. Et encore aujourd’hui, c’était dans cette ville qu’avait vu le jour les voitures automatiques qui se conduisaient toutes seules.
Mais lui, Charles, ça ne l’intéressait pas tellement.

Conduisant tranquillement, il sentait qu’il allait quand même un peu râler pour la forme. Observant Sixtine de temps en temps il fit :

- T’as…Jamais pensé à pas obéir à ton programme ?

Ca le rendait curieux, quand même.

Des lois pour les déviants ? Non, elle ne savait rien de tout cela. Elle fronça les sourcils. Personne ne lui disait rien, rien qui ne sortait du cadre de son travail. Mais elle se souvenait encore fort bien de ce qu’avait dit son créateur et ceux l’ayant formé, dévier était une mauvaise chose, on pourrait la traquer pour cela. Les déviants étaient dangereux. Ils avaient l’air si en colère quand ils parlaient d’eux. Et même si personne ne lui en parlait, elle avait bien entendu parfois les filles en parler, elles en avaient peur elle aussi, de dévier. Le policier disait qu’ils les laissaient exister, ainsi, ils n’étaient pas traqués, enfermés ou tués. Mais pour autant, cela ne voulait pas dire qu’il était une bonne chose d’en être un. Des lois pour eux ? Elle secoua la tête, de gauche à droite. « Des lois ? Non je ne sais rien… alors ils ont le droit d’être… dehors et… ils ne sont pas dangereux ? » Sa voix ne tremblait pas, les mots ne lui manquaient pas plus, elle avait juste peur de n’avoir le droit de dire ces choses là, s’attendant à ce quelque chose ou quelqu’un l’arrête mais rien ne se produisit alors que les mots franchissaient ses lèvres.

Une fois dans l’automobile, elle regarda fascinée le volant et tous les gestes qu’opérait le policier. Ça semblait compliqué et facile à la fois, elle n’avait encore vu ce genre de véhicule, pas de près en tout cas, encore moins avait-elle pu interroger sur le sujet la personne conduisant ledit véhicule. Le policier lui répondit que ce n’était pas compliqué, pas pour lui du moins. « Oh vous parlez des voitures automatiques, je sais que certaines sont produites dans le même immeuble où je suis née. » Elle se posait un tas de question soudainement, est-ce que ces voitures intelligentes pouvaient ressentir elles aussi ? Et puis soudainement, le policier lui demanda si elle avait déjà songé à désobéir à son programme. Elle demeura interdite. « Je… je peux pas… je n’ai… je peux pas… c’est… interdit, non ? » La simple idée de ne pas obéir la faisait débloquer, la faisait buguer, son cerveau entrait en contradiction, entre les idées qui venaient depuis cette horrible nuit, ce genre de suggestion les éveillait, et ce pourquoi elle avait été programmer, ce qu’elle devait faire, ce pourquoi elle avait été créer.

Charles était un peu désorienté. Que Sixtine pense que les déviants étaient dangereux, traduisais quelque chose d’étrange. Qui lui avait mis dans son programme ce fait ? Bien que la révolution de 2038 n’avait pas apaisé CyberLife qui continuait de s’amuser de faire quelques androïdes pour le profit des gens, il n’empêchait que… C’était perturbant. Surtout quand Charles avait un de ses collègues qui était androïde lui-même, et purement déviant.

Ne sachant pas trop quoi dire, il se contenta d’un “ben non”, comme si tout était logique, et il démarra la voiture.
La robotte qui lui faisait penser à un enfant de par sa candeur, causa des voitures automatiques, et il hocha la tête.

Du reste, Charles décida de poser une question étrange. Toute cette histoire le désorientait un peu, alors il avait besoin de savoir. Est ce qu’elle avait déjà désobéi ?
A ca, Sixtine semblait soudain…
Perturbée. Mais pas perturbée comme l’est un androïde qui ne ressens rien, ce qui troubla le policier qui l’observa. Il leva un sourcil, en l’observant, avant de reporter ses yeux sur la route.

-Je suppose…. Qu’on t’as interdit ça, ouais. Parce que y a des cons qui l’ont décidé comme ça. Mais j’veux dire, ton directeur est un androïde nan ? Et crois moi qu’il était pas programmé pour ça, à la base.

Le souvenir de sa rencontre avec Mogens Indigo dans l’Eden Club fit grimacer, voire grommeler Charles.
C’est vrai qu’il l’avait connu, il y a “longtemps”, quand il était toujours policier à New York. Ca faisait bizarre de le revoir.
Surtout vu ce qu’il était devenu… Quelqu’un de fort peu agréable.

Grommellant un peu plus, il se rappela qu’il allait peut-être devoir faire signer la décharge à ce type.
Soufflant un bon coup, il observa Sixtine

-T’as pas un collègue déviant, nan ?

Il espérait que oui. Parce que le trajet était court, et qu’une fois arrivé, il allait devoir se débrouiller avec les moyens du bord.
Râlant après un type qui lui fit une queue de poisson, il souffla, son stress augmentant peut-être un peu.
Lui qui pensait esquiver l’Eden Club….