1/ Père flic, grand-père flic, frère flic, oncle flic... Honor suit religieusement la destinée familiale comme s'il n'y avait jamais eu d'autres options possibles. Nulle grande carrière ou autre prestige particulier, mais une loyauté au drapeau sans commune mesure et les étoiles gravées dans le cœur. Ou les couilles.

2/ Elle rêve de mieux, pourtant. Elle a le talent et l'intelligence. Mais pas les couilles. Pas littéralement, en tous les cas. Au moins aime-t-on Honor. C'est un pilier de la police de Detroit. Vite fait respectée. Solaire et souriante. Compétente. Qui boucle les dossiers et a une paperasse carrée. Qui sourit grassement avec les collègues masculins. Qui parle de féminisme avec le secrétariat.

3/ On ne la soupçonnerait jamais de verser dans l'amoral. La première fois, c'était gentil. La première fois, c'est quand son frère a tapé un peu trop fort sur un clochard. Faux témoignage commun. Falsification de preuve. On l'a confortablement réinstallé à son bureau avec les honneurs et l'autre a fini au trou. La fois d'après, un camé demande s'il peut lui racheter sa dose. Elle lui en propose plutôt dix à prix concurrentiel. Au bout de la dixième, elle a arrêté de compter les "fois".

4/ Un jour où une enquête l'emmène aux abords d'un foyer pour femmes, elle fait la rencontre d'une mère et de ses deux gosses. Comme si sa morale avait choisi sa bonne action de la décennie, Honor l'aide à s'en sortir. Elles tombent éperdument amoureuses. Ou alors l'autre a trop besoin d'elle. Disons qu'elles tombent amoureuses. Honor lui enfile la bague au cou. La marmaille devient la sienne tant bien que mal.

5/ On ne la connaît fidèle qu'à peine plus de la première année. Rien qui fasse retirer les œillères à l'épouse, cependant. Au poste, Honor continue de rire grassement avec ses collègues masculins. Et de parler de féminisme avec le secrétariat. On aime Honor. Brave, tranquille, modeste, efficace, agréable. Un rayon de soleil.

6/ Mais la nuit, le soleil s'éteint. Dans l'obscurité des patrouilles nocturnes, les coupables deviennent les victimes et la police la bourelle. Parfois, des arrestations se changent en exutoire. Parfois encore, l'on transforme deux suspects en gladiateurs et on écroue le perdant. La toile de mensonges se répand. Les rapports sont falsifiés. Honor n'est que la voix qui susurre à l'oreille. Vaguement. Avec innocence. Qui monnaye ensuite. 

7/ Les androïdes sont une opportunité. Une nouvelle façon de se divertir, certes. Mais surtout de l'argent. Honor voit le potentiel. Déjà lorsqu'il n'y avait pas de phénomènes déviants connus et/ou avérés, elle refourguait discrètement les pièces d'androïdes déglingués ou pris entre deux feux. Brouillait les inventaires. Au fil du temps, les affaires prennent une forme concrète. Un nom. Des ambitions. Des précautions.

8/ Honor accepte d'entrer dans le programme test pour se voir affublée d'un partenaire androïde issu d'une toute nouvelle gamme réservée à la police. Elle y met toutes les bonnes volontés. S'affiche avec. Prend son opinion au sérieux devant l'ensemble du poste. Pour le show. Pour donner le change. Elle "perd" le premier dans une intervention malheureuse (il se retrouve démantelé sur le marché noir) et on lui en attribue un autre. Une autre. Elle s'y attache. Comme elle s'est attachée à sa femme, finalement. La bonne action d'une décennie différente. 

9/ Elle ne considère pas les androïdes au même titre que les humains. Plus que du mépris, il s'agit d'indifférence : on ne se fâcherait pas contre une table, par exemple. Pourtant, paradoxalement, Honor leur reconnaît des sentiments. Puisqu'ils le disent. Puisqu'ils commencent à le revendiquer. Ce n'est juste pas pertinent pour l'instant. Même lorsqu'on la retrouve au jardin d'Eden. Même lorsqu'elle se love dans les bras de sa partenaire.