Everyone has their own little monster to feed.
Dossier de l'androïde n°216 575 37, modèle A464 - mise en service en 2040, au profit de Roland Allen. Programmation faite sous les instructions du client : ajustements possibles à l'avenir. Squelette renforcée, rendu plus lourd pour la course mais peut maîtriser un homme en cas de mise en danger de Roland Allen.
UPDATE AVRIL 2045...// Modèle détruit dans un accident.
______________
Le bruit d'un ventilo, lourd, agressif. Fend l'air, abat un peu plus sa sentence à chaque seconde qui passe. L'androïde attend, patiemment, le réveil de l'humain pas si loin, qui meurt de chaud et qui impose ce bruit pour tenter de survivre. Le regard est posé dessus et parfois se relève ; oscille dans ce spectacle quotidien qu'il connaît par coeur et qui parvient, pourtant, à l'apaiser.
Ethan ne se rend pas compte que c'est le cas.
Ethan ne se rend pas compte que ça ne devrait pas.
Roland s'éveille enfin, entre soupirs et plaintes ; l'a mal, qu'il dit. La chaleur moite de l'appartement semble appuyer un peu plus cette odeur particulière qu'est celle du sang - Roland a mal.
Fais chier. Carcasse technologique qui se lève, qui va au chevet de l'humain et qui sait pas tant quoi faire ; des milliers de ligne de codage pour le rendre performant et voilà que tout s'est crashé, au détour de l'accident - Roland, la voiture, lui.
"Lui."
Drôle de concept, d'idée, de manière de voir les choses. Ethan veut toutes les ignorer, veut pas voir l'évidence qu'est pourtant là, sous le nez ; juste Roland et ces plaies difficiles à soigner, alors qu'il en chie pour vivre à présent. Combattivité mise au profit des gens, auparavant ; brisée, assignée à sa propre survie à présent. Ethan voudrait hurler toute sa frustration, sa colère,
sa haine. Chiée d'émotions, des nouvelles données.
Rien que ça, ouais.
Ouais.En attendant, Roland souffre.
______________
On lui demande s'il est sûr de lui ; Ethan regarde alors l'humain, d'avec cet air patibulaire qui le caractérise bien trop. L'hésitation est pas longue - à vrai dire, c'en était même pas - et se contente d'acquiescer. Alors Roland plante la pointe d'un couteau dans la tempe pour en extraire la LED et observe avec détachement la marque disparaître. Brève sensation d'inconfort pour l'androïde, qui vient la chasser d'un coup de paume contre la peau artificielle ; et se relève finalement trop vivement, parce que... "
J'ai à faire. À plus." S'en va, sans autre forme de cérémonie ; comme si ça n'avait été rien, comme geste.
Roland ramasse la LED, après le départ de son androïde. Elle est lisse, sous ses empreintes. Elle représente tout et rien à la fois... Et ça le fait sourire, à Roland, parce que ça veut dire qu'Ethan tient à lui ; parce que ça veut aussi dire qu'Ethan survivra, s'il venait à disparaître.
Tout les tableaux lui vont, à l'humain.
Confirmera alors sa destruction dans l'accident auprès de Cyberlife - et racontera à Ethan que c'était juste pour tenter de récupérer de la thune de l'assurance, mais que ça avait été un échec. Va alors falloir cravacher plus, parce que dans ce beau pays, ça coûte une blinde de pouvoir se soigner ; et que Roland a besoin de soins, pour s'il veut retourner sur le terrain lui aussi. En attendant, il dit se la jouer Batgirl en travaillant depuis l'ordinateur de l'appartement - et ça ne fait rire que lui.
Parce qu'Ethan flippe de le perdre.
(Et se dit que c'est qu'une ligne de codage.)______________
"
Fais pas chier." Gronde la bête blessée. Se fait secouer la carte mère par l'humain et s'en agace ; veut même pas lui avouer que la douleur n'est plus juste une information, mais un truc bien réel et qu'il a du mal à la gérer, parce que ça n'avait pas existé auparavant. Alors qu'on le laisse lécher ses plaies en paix, qu'on joue pas aux emmerdeurs, qu'on se soucie pas de lui, comme la majorité des humains le font déjà ! L'est injuste, Ethan ; un poil trop humain,
ça, mais Roland le lui dit pas, parce que c'est à son tour de flipper. Et l'androïde lui dirait que c'est bien fait, qu'il peut enfin comprendre ce poison qui lui court dans les veines depuis des mois maintenant !
Et puis, si seulement y'avait que lui.
Mais non, ça grouille, partout. Et parce que c'est le cas, Ethan s'épuise mentalement, moralement aussi - voudrait qu'ils se bougent, TOUS ! Trop de misère dans ce bas monde, trop de pleurs, trop de personnes qui se sont fait détruires par d'autres.
Qui voudrait de l'Humanité dans ce cas, hein ?
Veut pas en être ;
veut pas.Alors, même si on lui disait qu'il était parfois aussi injuste qu'
Eux, il écouterait pas ; pas encore, pas maintenant, pas ainsi.
Behind the picture.